Paris, Abidjan, 14 juillet 2022. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (Lidho) et le Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH) publient le 14 juillet 2022 un rapport intitulé « Côte d’Ivoire : de la justice sacrifiée au nom de la « réconciliation » à la justice instrumentalisée par le politique ».
Issu de l’analyse d’informations collectées pendant un an, y compris lors d’une mission internationale menée à Abidjan en décembre 2021, le rapport fait la lumière sur l’état inquiétant de la justice dans le pays depuis la crise 2010-2011, le manque de perspectives de justice au niveau international, et les attentes des victimes et survivant·es de crimes internationaux face à l’impunité persistante.
La crise de 2010-2011 a débuté lorsque le Président sortant, Laurent Gbagbo, a refusé de céder le pouvoir au Président élu Alassane Ouattara à la suite des élections présidentielles de novembre 2010. Au cours des cinq mois de violence et de conflit armé qui ont suivi, au moins 3 000 personnes ont été tuées et plus de 150 femmes violées. Les forces armées des deux côtés ont parfois pris pour cibles des civil·es sur la base de leurs affiliations politique, ethnique ou religieuse.
Sur la base d’une analyse de l’évolution de la gestion judiciaire de la crise post-électorale de 2010-2011 par les autorités ivoiriennes pendant ces 11 dernières années, le rapport conjoint de la FIDH, le MIDH et la LIDHO démontre et dénonce :
comment les autorités ont mis en échec les efforts de justice pour les crimes de la crise post-électorale ;
le degré d’ingérence du pouvoir politique dans les questions judiciaires.
2010-2015 : des engagements réitérés, des mécanismes créés, un important travail judiciaire réalisé
Au lendemain de son élection et au cours des premières années, le premier mandat d’Alassane Ouattara a été marqué par des engagements répétés en faveur de la lutte contre l’impunité et d’une justice impartiale. Alassane Ouattara proclamait que l’État ivoirien se trouvait « à l’aube d’une nouvelle ère d’espérance » dans la construction d’un état de droit. En mai 2011, il déclarait : « la justice sera la même pour tous... Il n’y a pas d’exception, il n’y a pas de discrimination, la loi est la même pour tous ».
Cet engagement s’est concrétisé par la mise en place de plusieurs mécanismes destinés à établir les faits ainsi qu’à contribuer à la réconciliation : la Cellule spéciale d’enquête en juin 2011 (devenue Cellule spéciale d’enquête et d’instruction et pérenne depuis janvier 2014), la Commission nationale d’enquête et la Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR) toutes deux créées en juillet 2011, puis la Commission nationale pour la réconciliation et l’indemnisation des victimes (Conariv) en mars 2015.
« Après des années de travail, jusqu’en août 2018, la Cellule spéciale d’enquête a inculpé plus de 150 personnes pour des crimes de sang, y compris des allié·es d’Alassane Ouattara aussi bien que de Laurent Gbagbo. La FIDH, la LIDHO et le MIDH ont contribué à ce travail en tant que parties civiles et ont notamment salué l’action judiciaire menée concernant différents épisodes de la crise à Abidjan et à l’intérieur du pays. »
Me Drissa Traoré, secrétaire-général de la FIDH
« Aujourd’hui, nous ne pouvons que constater que la majorité des procédure est à l’arrêt, les responsabilités n’ont pas été clairement établies, que l’écrasante majorité des auteur·es présumé·es, bénéficiant d’une amnistie, n’ont rendu aucun compte devant la justice, et que les victimes sont délaissées. Le cycle de l’impunité perdure », poursuit Me Drissa Traoré, secrétaire-général de la FIDH.