Le 5 septembre 2022, s’est tenu au sénat un colloque sur le thème : “Archives et démocratie, au-delà du secret défense“. Co-organisé par le Collectif Secret Défense et le Réseau national d’actions des archivistes, le colloque était parrainé par Pierre Ouzoulias, sénateur des Hauts-de-Seine, et Sylvie Robert, sénatrice d’Ille-et-Vilaine, tous deux vices-présidents de la Commission Culture, Éducation et Communication du Sénat.
Vous trouverez ci-dessous, l’intervention de Bruno Jaffré, au nom du réseau international Justice pour Sankara, justice pour l’Afrique, le texte et la vidéo, ainsi que les vidéos complètes de l’ensemble du colloque.
On se rappelle que le président Emmanuel Macron, avant lancé la promesse suivante à Ouagadougou : “J’ai pris la décision que tous les documents produits par des administrations françaises pendant le régime de Sankara et après son assassinat, … couvertes par le secret national soient déclassifiés et consultés en réponse aux demandes de la justice burkinabè » (voir à https://www.youtube.com/watch?v=p1xZewWsTQQ). Promesse lancée le 28 novembre 2017, à Ouagadougou, devant un parterre d’étudiants, en présence de Roch Marc Christian Kaboré, alors Président du Burkina. C’est à la suite de cette promesse qu’a été lancée le collectif secret défense à l’initiative du réseau international Justice pour Sankara justice pour l’Afrique.
Thomas Sankara a été assassiné le 15 octobre 1987 avec 12 compagnons. Le procès de ces assassinats s’est terminé en avril 2022, il y a quelques mois à Ouagadougou. Seul le volet national de l’affaire était à l’ordre du jour du procès, ce qui n’a pas empêché cependant de nombreux témoins de témoigner des ramifications étrangères. Mais le dossier international reste ouvert, puisque le juge François Yaméogo avait pris soin de dissocier le volet international du volet national. L’enquête se poursuit donc maintenant. Mais nous avons du intervenir lors d’un passage au Burkina pour qu’un juge soit effectivement nommé pour ce faire. (voir https://www.thomassankara.net/linstruction-volet-international-de-lassassinat-de-thomas-sankara-de-compagnons-stoppee-an-reprendre-plus-vite/) .
Bien que membre du collectif secret défense, le réseau international Justice pour Sankara justice pour l’Afrique, n’avait malheureusement pas été convié parmi les intervenants. C’est d’autant plus regrettable qu’un tel colloque au Sénat, qui rassemble des élus de la République, semblait une opportunité tout à fait adéquate alors qu’il s’agissait de dénoncer une promesse non tenue du président de la République.
Aussi, dès que la parole fut donnée à la salle, Bruno Jaffré s’est empressé de la demander pour dénoncer le blocage du secret défense dans l’affaire de l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons.. Malheureusement il ne disposait que de très de temps. Il a tenté néanmoins d’apporter des éléments montrant que la promesse n’avait pas été tenue. D’ailleurs, au cours du colloque, pour quelques intervenants connaissant bien le sujet, il ne faisait guère de doute que le secret défense n’était quasiment jamais levé. L’un d’eux à par ailleurs expliqué que rien ne pouvait empêcher un Président de faire des promesses publiquement et de ne pas les tenir. En effet a-t-il ajouté, il n’existe aucune possibilité d’un recours quelconque pour saisir des institutions et le poursuivre en justice.
L’intervention de Bruno Jaffré au nom du réseau international Justice pour Sankara justice pour l’Afrique, coloque sur le secret défense organisé au Sénat en France le 5 septembre 2022.
Vous trouverez ici un extrait vidéo et le texte de cette intervention.
Extrait vidéo de l’intervention de Bruno Jaffré
Le texte de l’intervention
Je vais vous parler de l’affaire Sankara et en particulier de la promesse non tenue du Président français Emmanuel Macron lancée en public au Burkina Faso en novembre 2017.
Je vous rappelle par ailleurs, que c’est cette affaire, et la demande d’un juge burkinabé adressée à la France de lancer une commission rogatoire et d’ouvrir le secret défense sur cette affaire.
J’escompte par cette intervention, en attirant l’attention des sénateurs, prendre date avec eux, afin qu’une initiative importante soit prise pour afin qu’ils interviennent comme élus de la République pour que cette promesse soit tenue. Il en va de la parole de la France à l’étranger et de son image en Afrique. Plusieurs membres des familles de victimes des assassinats du 15 octobre 1987 habitent en France parmi lesquelles Mariam Sankara et Aida Kiemdé. J’ajoute que plusieurs avocats de la partie civile, représentant les familles de victimes habitent en France.
Le 28 novembre 2017, devant un parterre d’étudiants et en promesse du Président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré déclare : « J’ai pris la décision que tous les documents produits par des administrations françaises produits pendant le régime de Sankara et après son assassinat couverts pat le secret national soient déclassifiés et consultés en réponse à la demande de la justice burkinabè. »
Thomas Sankara a été assassiné le 15 octobre 1987 avec 12 compagnons. Le procès de ces assassinats vient de se terminer, il y a quelques mois à Ouagadougou. Il n’a statué que du volet national de l’affaire. Mais le dossier international reste ouvert et l’enquête se poursuit.
Le juge François Yaméogo chargé de l’instruction nommé après l’insurrection d’octobre 2014 a demandé l’ouverture du secret défense
L’ambassadeur de France a indiqué au cours d’une conférence de presse le 17 avril 2021, accompagnant la remise du 3e lot a indiqué que les deux premiers lots, livrés les 17 novembre 2018 et 4 janvier 2019 contenaient en plus des notes diplomatiques, des notes d’analyse, des notes des renseignements et des documents locaux (des tracts en réalité), et le 3e lui, surtout des archives du ministère de l’intérieur. Deux médias burkinabè, considérés comme sérieux, avaient précisé quelques jours avant : « ce sont les archives du service de coopération technique internationale de la police, le service de coopération policière et de gendarmerie (présent au Burkina au sein de l’ambassade de France au moment des faite). Les autres documents étaient détenus par la DGSI (NDLR ; Direction général de la sécurité intérieure) . »
Soulignons ici qu’il n’y a donc aucun document issu du cabinet de Jacques Chirac, alors premier ministre, dans lequel Jacques Foccart avait repris du service, aucun de celui de François Mitterrand ni de la DGSE.
Lors de l’instruction et durant le procès, plusieurs gendarmes du contre espionnage burkinabè ont affirmé que des Français étaient venus le 16 octobre 1987 se saisir des tables d’écoute et des enregistrements. L’un des témoins, a même cité le nom de Paul Barril parmi ces Français. Aucune trace de cet épisode dans les documents fournis par la France, ce qui constitue un élément supplémentaire montrant que les documents secret défense n’ont pas été fournis à la justice burkinabè.
Bruno Jaffré